Après avoir été jouée au Théâtre de l’Odéon, Phèdre(s) de Krysztof Warlikowski avec Isabelle Huppert investit le Barbican jusqu’au 18 juin. On y était.
Phèdre est un des personnages les plus joués au théâtre. Grande tragédie antique que Racine a rendu célèbre, Phèdre tombe amoureuse d’Hyppolite, le fils de Thésée, son mari. Après avoir consommée cet amour interdit qui la consume, elle se donne la mort.
Le sujet de la pièce tient dans le titre, Phèdre(s), femme plurielle, tour à tour prostitué, amante hystérique et belle-mère aux amours contre nature. C’est à partir de plusieurs textes de différents auteurs contemporains, Wajdi Mouawad, Sarah Kane et J. M.Coetzee, que Krysztof Warlikowski a mis en scène Isabelle Huppert dans cette adaptation de ce mythe antique, à qui elle donne une résonnance ultra contemporaine et moderne. Féministe.
Que dire de la prestation d’Isabelle Huppert ? On sait déjà qu’elle est une des plus grandes actrices actuelles et si vous en doutiez, la voir dans ces multiples rôles de femme torturée par le désir interdit ou en intellectuelle féministe se moquant un peu de son image, Isabelle Huppert offre une performance hors norme. Elle se met à nue, se présente fragile et envoutante et maitresse à la fois.
Phèdre(s) est un véritable écrin à son talent où Huppert peut tout faire, tout jouer. Difficile de rester indifférent à une telle avalanche de talent. Même si les textes joués appartiennent à un catalogue d’auteurs contemporains, Huppert émeut jusqu’aux larmes le public avec un extrait du fameux Phèdre de Racine, en interprétant la scène 5 de l’acte 2.
Aux côtés d’Isabelle Huppert, Warlikowski a casté une distribution multiculturelle de haut vol qui réunit Alex Descas, Agata Buzek, Gaël Kamilindi, Norah Krief. Chacun joue un ou plusieurs rôles, suivant le déroulement de l’intrigue. Alex Descas, vu dans de nombreux films de Claire Denis, campe un Thésée lugubre et méprisant mais aussi un docteur et un prêtre, tentant d’apaiser un Hyppolite dégénéré.
Norah Krief joue Oenone, la confidente de Phèdre et ouvre le spectacle en chantant en arabe une lancinante pièce de musique accompagnée par Grégoire Léauté, à la guitare. Sur scène, les pas chaloupés de la danseuse orientale, habillée d’un bikini de cristal et talons hauts, Rosalba Torres Guerrero donnent le ton ultra sensuel, voire sexuel de la pièce.
Habillée par la Maison Dior, Givenchy et Saint Laurent par Hedi Slimane, Isabelle Huppert joue avec son image de star, se moquant parfois d’elle-même avec humour. Elle, la star, la femme aux multiples facettes, emporte le public conquis par la prouesse avec laquelle, elle se mue d’une Phèdre, à une autre. Un spectacle envoutant et troublant.